« La plus grave menace pour l’avenir de l’humanité reste l’explosion démographique » René Dumont
Argumentaire
La croissance démographique des pays du Sud permettra, via les migrations, aux pays du Nord de compenser la baisse de leur fécondité
Cette position est souvent soutenue dans le double but de défendre à tout prix la croissance démographique et de donner des phénomènes migratoires une image favorable. C’est là faire preuve de bien peu d’humanisme puisque cela revient à faire des individus les simples outils d’une politique démographique.
Mais cela pose également de nombreux autres problèmes
Tout d’abord et sur le fond : en quoi devons-nous compenser l’éventuelle baisse démographique des pays du Nord ? Ceux-ci (à l’exception de la Russie et du Canada) sont généralement déjà très densément peuplés, plus qu’ils ne l’ont jamais été dans l’Histoire.
Cette densité a conduit à la disparition de quantités d’écosystèmes, de forêts et de presque toute la mégafaune ainsi qu’à une consommation accrue de biens et d’énergie. Là aussi, on retrouve l’idée sous-jacente qu’il serait par définition meilleur d’être toujours plus. Il s’agit encore une fois de la confusion de l’optimum et du maximum. De nombreux problèmes écologiques et sociaux (on pense à la difficulté de vivre dans les conurbations géantes aussi bien qu’à la pollution) seraient au contraire beaucoup plus faciles, ou en tout cas moins difficiles, à régler dans des pays moins peuplés.
Cette « solution migratoire » pose également de multiples problèmes humains, sociaux politiques et économiques, parmi lesquels l’arrachement des peuples à leur racines, l’acceptation des nouveaux arrivants dans les pays d’immigration et de manière plus générale la mise en place forcée d’une « société multiculturelle mondiale ». Au vu des problèmes que connaissent actuellement les sociétés sur ces différents points, est-il vraiment raisonnable d’accélérer une évolution en ce sens ?
A ceux qui malgré tout, passant outre ces problèmes humains y verraient une solution économique, rappelons que le compte n’y est évidemment pas. La baisse démographique des pays du Nord d’ici la fin du siècle peut être estimée à une centaine de millions de personnes (les Etats-Unis par exemple ne sont pas en baisse) et la seule croissance démographique attendue en Afrique portera sur plus de 3 milliards de personnes dont beaucoup ne trouveront pas leur place économique sur ce continent. Donc l’excédent démographique attendu se situe très au-delà de ce dont nous aurions « besoin » (mot quelques peu indécent en matière humaine) et laissera donc, pour l’essentiel, les problèmes en place dans les pays de départ.
Enfin c’est évidemment un phénomène contre-productif puisqu’en réduisant (donc même très minoritairement) la pression démographique au Sud, il conduira à retarder d’autant la mise en place de politiques susceptibles de réduire la fécondité. Nous nous retrouverons ainsi plus tard avec à la fois plus de monde au Nord … et au Sud.
Bref, au Nord, au Sud, politiquement, humainement, socialement et écologiquement, ce genre de solution ne fera que des perdants.