« La plus grave menace pour l’avenir de l’humanité reste l’explosion démographique » René Dumont
Empreinte écologique
et population soutenable
L'Empreinte Écologique
Apparu aux États-unis dans les années 90, le concept d’empreinte écologique (ecological footprint) vise à traduire de manière facilement compréhensible l’impact d’activités humaines sur les écosystèmes et la planète.
Plus précisément, l'empreinte écologique mesure les surfaces de terres et d’eau (biologiquement productives), nécessaires pour produire les ressources qu’une population consomme et pour absorber les déchets qu’elle génère.
Cette surface est exprimée en hectares globaux [gha] abréviation de l'anglais "global hectare", c’est à dire en hectares ayant une capacité de production de ressources et d'absorption de déchets correspondant à la moyenne mondiale.
Cette surface comprend :
- celle des terres cultivées, des pâturages, des forêts et des zones de pêche nécessaires pour produire nourriture, huiles, fibres textiles, bois,...
- celle utilisée pour les infrastructures (routes, bâtiments...)
- et enfin celle nécessaire pour traiter les déchets et pour absorber le gaz carbonique libéré par les activités humaines.
Les gens consomment des ressources et des services écologiques provenant de partout dans le monde, leur empreinte est donc la somme de toutes ces surfaces, où qu'elles soient sur la planète. L’empreinte écologique d’un pays n’est donc pas à ce qui se produit sur son propre sol, mais en réalité ce qui s’y "consomme".
À l’échelle de l’humanité, l’empreinte écologique a triplé depuis 40 ans. En 2003, l'Empreinte Écologique globale était de 14,1 milliards gha, soit 2,2 gha par personne.
(14,1 x 109 gha / 6,4 x 109 habitants en 2003 = 2,2 gha par personne)
Cet indice a connu un succès croissant à partir de la fin des années 1990, le WWF ayant fortement contribué à le populariser.
La biocapacité d’une zone (biologiquement productive) donnée désigne sa capacité à générer une offre continue en ressources renouvelables et à absorber les déchets découlant de leur consommation. Elle peut aussi être exprimée en hectares globaux. Fort heureusement, la biocapacité d’une zone n’est pas figée. En effet étant plus importante dans l’ordre pour les champs cultivés, les forêts et enfin les pâturages, elle peut donc être plus ou moins grande suivant l’affectation qu'on donne à ces terrains, de la fertilité de ceux-ci ou encore des techniques de production utilisées.
La biocapacité peut être assimilée à une empreinte écologique disponible.
Si l’empreinte écologique (demande) d’une zone est supérieure à sa biocapacité (offre), alors cette zone n’est pas utilisée de manière durable.
Jour du dépassement ( Earth Overshoot Day )
Il est égal au rapport suivant: [biocapacité mondiale / empreinte écologique mondiale] multiplié par 365.
Il s'agit d'un concept créé par le réseau "Global Footprint Network" afin de frapper les esprits.
L'empreinte de l'humanité a commencé à dépasser la biocapacité globale le 31 décembre 1986 ; ce dépassement a depuis augmenté chaque année.
Ce dépassement s'explique ainsi: nous consommons davantage de ressources renouvelables que la biosphère est capable d'en régénérer et surtout nous produisons plus de déchets (CO2 en particulier) que la biosphère peut en assimiler.
Empreinte écologique et Indice de Développement Humain (IDH)
L'IDH est un indice statistique "composite", créé par le Programme des nations unies pour le développement (PNUD) en 1990, pour sortir de la référence unique au Produit Intérieur Brut (PIB). En effet certaines consommations font gonfler le PIB alors que de toute évidence elles ne reflètent pas une amélioration du bonheur des habitants, par exemple la réparation des automobiles suite aux accidents ou la hausse des achats de médicaments anti-dépresseurs...
L'IDH est une moyenne des indices de longévité (espérance de vie à la naissance), de niveau d'éducation (taux d'alphabétisation et taux de scolarisation) et de niveau de vie (PIB). La performance de chaque pays est notée de 0 à 1 (0,8 pouvant être considéré comme une bonne moyenne).
La mise en relation de l'empreinte écologique avec l'IDH sur le graphique ci-dessous montre clairement que les points obtenus ne sont pas disposés de façon aléatoire. Au contraire, ils semblent être agencés le long d'une courbe moyenne dont l'analyse pourrait être la suivante :
- dans un premier temps l'IDH semble pouvoir augmenter plus rapidement que ne croît l'empreinte liée à ce développement, ce qui peut être considéré comme une bonne nouvelle.
- dans un deuxième temps par contre, la courbe s'infléchit et l'empreinte augmente beaucoup plus vite que l'IDH. La deuxième phase du développement des pays encore situés dans la branche verticale sera donc très lourd pour l'environnement, d'autant plus que ces pays sont les plus peuplés de la planète. André Lebeau, auteur de l'enfermement planétaire, n'hésite d'ailleurs pas à écrire que "le nivellement par le haut des inégalités est radicalement impossible"...
- enfin la branche quasi horizontale de droite montre que les progrès en matière de développement ne se font plus qu'au prix d'une très forte augmentation de l'empreinte. Face à la crise économique et surtout écologique actuelle, les mesures drastiques qui s'imposent devraient donc théoriquement empêcher les pays riches d'augmenter encore leur niveau de vie.
A noter aussi que la place de Cuba est assez artificielle. Sa faible empreinte est due à l’embargo qui frappe le pays et son IDH honorable à son système de santé et d’éducation. Les considérations touchant à la démocratie et la liberté d'expression ne sont malheureusement pas prises en compte par l'IDH...
Les pays du Nord ont finalement au moins autant d'efforts à fournir pour devenir écologiquement soutenables que les pays du Sud pour devenir "humainement développés" (en référence à l'IDH...).
*Environnement : il ne s'agit bien évidemment pas uniquement de l'environnement des pays eux-mêmes, mais de l'environnement planétaire: en effet comme il a été dit plus haut une grande partie des ressources des pays développés viennent d'autres régions...
**Empreinte et IDH n'ont (à priori) pas été élaborés pour être mis en relation. Il s'agit d'une idée de chercheurs et ceux-ci ont donc puisé dans dans les données disponibles en 2008.
Empreinte écologique et démographie
Au vu de ce qui précède, il existe de nombreux scénarios dont :
1) Celui de la poursuite de l’inertie actuelle: notre population de 6,7 milliards d'habitants continue à croître encore de 40% et comme il est prévu (?) se stabilise au niveau (très élevé) de 9,5 milliards en 2050, les occidentaux ne fournissent qu’un effort minimum pour baisser leur "train de vie" et les pays du sud continuent légitimement à se développer sans trop pouvoir se soucier de l'environnement.
Résultat: du fait de l’augmentation simultanée de la population et de la consommation globale, l’empreinte écologique totale continue sa croissance vertigineuse, la planète se dégrade irrémédiablement, les conditions de survie de l’espèce humaine deviennent de plus en plus difficiles.
2) Celui d'une écologie vertueuse mais sourde au problème de la natalité: la population continue à croître comme il est prévu, mais un très gros effort est effectué par les occidentaux pour revenir aux 1,8 gha disponibles "per capita" (par exemple, les américains divisent leur empreinte par quatre, les français par deux). Aidés par ceux du nord, les pays du sud se développent de façon relativement "propre". Malgré cet effort colossal de la part des uns et des autres, l’empreinte écologique continue néanmoins à croître du fait de l’augmentation de la population.
3) Celui d’une écologie vertueuse qui prend en compte la réalité de la pression démographique: au scénario précédent on rajoute le paramètre de la stabilisation de la population, voire de sa décroissance à plus long terme: l’empreinte écologique des humains devient alors égale à la biocapacité de la Terre et les espèces vivantes présentes sur la planète ont une chance raisonnable de survie à long terme.
Notion de population optimale
L'organisation anglaise OPT à l'aide des rapports déjà cités a calculé le nombre de personnes que peut "raisonnablement" accueillir la Terre (et encore plus précisément chacun des pays) et ce dans 3 cas de figures :
- limitation drastique de l'empreinte carbone
- style de vie actuel + une "allocation de 12% pour la biodiversité
- style de vie "modeste" + une "allocation de 12% pour la biodiversité
Les résultats sont téléchargeables ici à la rubrique "SUSTAINABLE POPULATIONS BY COUNTRY" en cliquant ensuite sur "OPT Extension, Table 2E"
Par exemple, pour notre pays, les résultats pour l'année 1999 étaient les suivants :
alors que nous étions à l'époque 59 millions d'habitants, les populations optimales s'élevaient alors (dans l'ordre indiqué plus haut) à 20, 27 et 53 millions...
Liens utiles :
http://www.wwf.fr (Site de WWF)
http://www.footprintnetwork.org (Site de Global Footprint Network)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Empreinte_ecologique (Article Wikipedia sur le sujet)
Empreinte écologique et population soutenable
Le tableau qui s'affiche en cliquant sur l'empreinte, élaboré par l'organisation anglaise Population Matters à partir des travaux du Global Footprint Network (GFN) donne, pour chacun des pays de la planète (exceptés ceux dont la population est inférieure à 1 million d'habitants) les informations suivantes :
Empreinte écologique ( Empte), en nombre d'hectares par habitant : surface nécessaire pour produire les ressources qu’une population consomme et pour absorber les déchets qu’elle génère (dans les conditions de vie du pays concerné).
Biocapacité (Bioté), en nombre d'hectares par habitant : surface disponible (dans le pays concerné) pouvant assurer la production des ressources et l'élimination des déchet (la biocapacité peut être assimilée à une empreinte écologique disponible).
Autosuffisance (Autoce) en % : ratio biocapacité / empreinte
Dépendance (Depce) en % : 100% - Autoce. Exprime dans quelle proportion un pays doit, pour assurer le niveau de vie de ses habitants, faire appel à l'extérieur et/ou puiser dans des ressources non-renouvelables.
Population actuelle (Pop 2011) en millions
Population soutenable (Pop souble) en millions : produit Pop actuelle x Autoce. C'est l'effectif maximum qu'un pays ne devrait pas dépasser pour assurer, dans ses conditions de vie actuelle, durablement son équilibre avec le milieu, c'est-à-dire, sans dépendre ni de l'extérieur, ni de l'exploitation de ressources non-renouvelables.
Remarques
Les calculs sont ceux de 2011, eux-mêmes basés sur les chiffres résultant des comptages de 2008 du GFN. L'évolution de l'empreinte écologique de chaque pays peut aussi être visualisée ici.
Le classement des pays suivant leur empreinte écologique est loin d'être "irréprochable" du fait qu'il ne s'intéresse pas à la place dévolue aux autres espèces. Il existe d'ailleurs d'autres façons d'étudier l'adéquation population-ressources, voire celle de population-espace (via la densité de population par rapport à la superficie réelle ou au travers d'une densité qui ne tient compte que de la "surface agricole utile").
A ces limites liées à un inévitable arbitraire dans les critères retenus (combien d’hectares sont admissibles aux conditions définies ? Comment intégrer la protection de la biodiversité ? Comment définir les besoins exacts de la population…) s’ajoute une autre difficulté provenant du classement par Etats quand ces Etats eux-mêmes relèvent de catégories bien différentes.
Ainsi Singapour apparaît en tête de ce classement par ordre de "dépendance écologique", mais avec seulement 700 kilomètres carrés pour plus de 5 millions d’habitants, la République de Singapour constitue plutôt une ville ou au moins une zone urbaine qu’un véritable pays. Or, par nature une ville ne peut-être écologiquement indépendante. De même, plusieurs états producteurs de pétrole apparaissent aux premiers rangs. Ainsi, le Koweït (2ème), les Émirats Arabes Unis (4ème), le Qatar (13ème)...) Mais là aussi, ces États ont un statut très particulier : implantés dans des zones désertiques écologiquement inaptes à accueillir une population importante ils doivent plutôt être considérés comme des extensions du reste du monde (leur terminaux pétroliers en l’occurrence).
D’autre pays, quoique beaucoup plus vastes, doivent également voir leur classement interprété dans un contexte plus large. La Chine (35ème) en constitue le cas emblématique. Étant devenue « l’atelier du monde », une partie de ses atteintes à l’environnement devraient en réalité être attribué aux pays qui consomment les produits qu’elle fabrique. Ce type de problème prend toute sa signification dès qu’un pays a un commerce extérieur significatif relativement à son PIB, que ses échanges soient structurellement déficitaires ou excédentaires. Ce problème est toutefois partiellement intégré par la prise en compte du niveau de consommation de chaque pays pour les ceux qui sont structurellement importateurs de produits manufacturés.
Ces remarques ne doivent pas occulter certains enseignements très nets de ce tableau.
- Globalement l’humanité vit largement au-dessus de ses moyens. Selon les critères ici retenus le monde ne pourrait accueillir de façon durable qu’environ 4,4 milliards d’habitants alors qu’il en compte 7 (et en comptera sans doute 9 à la moitié du siècle). Le même constat peut-être fait en notant qu’il faut attendre le 104ème rang sur 149 pour trouver un pays en état d’autosuffisance écologique.
- Le poids de la démographie est très nettement mis en évidence. Ainsi les États-Unis, qui s’attirent les foudres de tout ce que la planète compte d’écologistes ne se voient classés qu’au 54ème rang dans l’ordre des plus mauvais élèves, tandis que des pays européens au style de vie globalement comparable ou même sans doute légèrement moins gaspilleurs, se trouvent beaucoup plus mal notés : ainsi le sont la Belgique (14ème), les Pays Bas(10ème) la Grande Bretagne(19ème), l’Italie(18ème), la Suisse (17ème) ou même, des pays à niveau de vie plus faible comme la Grèce (26ème). La France est (64ème), c’est le grand pays développé d’Europe le moins densément peuplé. Dans la même veine, le Canada, pays pourtant très riche ne se situe qu’au 133ème rang et se trouve donc dans la catégorie des « économies durables » du fait de sa faible densité de peuplement.
NB : Les pourcentages d'autosuffisance (et donc de dépendance qui en découlent) pourront sembler abusivement arrondis : il n'y a pas d'erreur pour autant. En effet, cela provient du fait que les empreintes et biocapacités sont arrondis à une décimale près (alors qu'en réalité il peut y en avoir plusieurs) et que les calculs sont faits à partir des nombres "exacts".
Classement des pays par dépendance décroissante : cliquer sur l'empreinte pour afficher le tableau